Les établissements accueillant du public (ERP) sont tenus de disposer de lignes d’urgence sans discontinuité de service que seules les lignes RTC garantissaient à ce jour. L’abandon programmé du réseau analogique impose le recours à de nouvelles solutions.
Depuis plus de cinquante ans, le RTC ou Réseau Téléphonique Commuté, régnait en maître sur les télécommunications. Mais chaque page doit un jour être tournée ! A l’horizon 2024, le RTC sera définitivement abandonné. Sa commercialisation par les opérateurs ne sera plus assurée d’ici le 15 novembre et dès 2021, l’arrêt technique progressif du réseau sera amorcé. Le RTC aura en théorie disparu sur l’ensemble de l’Hexagone trois ans plus tard. La fin annoncée du réseau téléphonique commuté pourrait passer pour un épiphénomène sans réelle incidence. Les technologies IP qui lui succèdent offrent bien des atouts : meilleure qualité de voix, gestion dynamique des appels, communications unifiées, etc. Mais derrière les apparences se cachent des réalités plus triviales qui peuvent virer au casse-tête ! En effet, si l’arrêt du RTC impacte les lignes de secours et de téléassistance ou encore les machines à affranchir, fax et télex, le secteur bancaire est lui aussi confronté à une difficulté majeure liée.
Des contraintes techniques complexes…
L’arrêt technique mettra donc hors service les commutateurs RTC stoppant ainsi les services téléphoniques et les usages spéciaux comme les alarmes, les équipements de télésurveillance ou certains terminaux de paiement. Si la problématique des terminaux de paiement n’est pas si difficile à résoudre, en revanche, les ERP subissent de plein fouet l’impact sur les systèmes d’alarmes et d’alerte incendie. Selon une règlementation du 11 décembre 2009 (PE20C), les établissements accueillant du public doivent être dotés d’un système d’alerte incendie. Cette réglementation précise par ailleurs que la liaison avec les pompiers puisse se faire pour chaque établissement, via un système téléphonique urbain… Sans RTC, cette première contingence est impossible à satisfaire ! Mais ce n’est pas la seule difficulté à résoudre. En effet, les systèmes d’alarme et d’alerte incendie pourraient fort bien être connectés via des systèmes de téléphonie sur IP. Mais ces derniers nécessitent une alimentation électrique pour fonctionner. Or, en cas d’incendie, les réseaux électriques sont rarement préservés ! Pour son réseau d’agences francilien, un grand établissement bancaire travaille depuis plus de 18 mois déjà à imaginer les alternatives au RTC. Mais le nombre de variables à prendre en considération complique considérablement la donne ! « Nous sommes très à l’écoute des fournisseurs qui développent des solutions de lignes IP sécurisées, confie notre interlocuteur, nous disposons en région parisienne 600 sites qui sont tous dotés de lignes RTC. Nous avons donc constitué des groupes de travail afin de trouver, avec les opérateurs de téléphonie, des solutions qui pourront être déployées sur l’ensemble du territoire »
Si la commercialisation des lignes RTC sera interrompue au 15 novembre, les lignes déjà ouvertes devraient rester fonctionnelles jusqu’en 2023.
Une échéance pas si lointaine…
« Les ERP sont confrontés à différents cas de figure, ajoute Rémi Cheneau, Chef de Produit pour Bouygues Telecom Entreprises, d’abord suivant la classification de l’ERP (un point de vente n’est pas soumis aux mêmes contingences qu’une agence bancaire par exemple), mais aussi en fonction de l’implantation elle-même ». En effet, si la commercialisation des lignes RTC sera interrompue au 15 novembre, les lignes déjà ouvertes devraient rester fonctionnelles jusqu’en 2023. « Les nouvelles implantations, les entreprises qui déménagent vers de nouveaux en locaux sont, dès aujourd’hui, concernées par l’enjeu et doivent sans délai trouver une réponse pragmatique pour disposer d’une ligne fiable et sûre pour prévenir les secours en cas d’urgence ».
Vers quelles alternatives s’orienter ?
En résumé, la problématique est assez simple. Un ERP doit disposer d’un appareil fixe, constamment accessible en présence du public, assurant une liaison vocale de qualité et permettant une audibilité efficace lors d’un appel d’urgence. Également, d’un équipement assurant une fiabilité de fonctionnement absolue et une disponibilité immédiate en toutes circonstances, même en cas de coupure électrique. En substance, rappelons les deux alternatives à envisager. D’un côté, les solutions de téléphonie IP qui « réunissent l’ensemble des critères de qualité, de disponibilité et de couverture », observe Remi Cheneau. De l’autre, les solutions mobiles « qui ne sont pas sujettes aux coupures de lignes physiques, peuvent fonctionner sur batterie pendant plus de 8 heures, mais offrent une couverture inégale du territoire et peuvent rencontrer des problèmes de qualité dans les bâtiments fortement métallisés ». Si l’on s’en réfère à l’avis émis par l’ARCEP, l’ensemble des ERP classés en 5ème catégorie doivent être équipés d’un moyen permettant d’alerter les sapeurs-pompiers même en cas de coupure électrique dans l’établissement, la téléphonie via ADSL doit être exclue et l’utilisation du téléphone mobile (GSM) recommandée.
Un ERP doit disposer d’un appareil fixe, constamment accessible en présence du public, assurant une liaison vocale de qualité et permettant une audibilité efficace lors d’un appel d’urgence.
Une solution hybride ?
Ainsi, un point de vente de 100 m² en rez-de-chaussée d’une capacité d’accueil de moins de 200 personnes, comme une structure pour personnes âgées accueillant moins de 25 résidents, ou une salle de conférence pour 200 personnes sont concernés par ce choix cornélien, devraient donc s’orienter systématiquement vers la solution mobile. « L’avantage des réseaux mobiles, observe Remi Cheneau, c’est que la technologie 2G suffit pour contacter les services d’urgence et que la couverture du territoire dépasse les 90% ». Mais qu’en est-il des 10% restants ou des configuration pour lesquelles le signal mobile n’est pas approprié ? « Une solution IP qui disposerait d’une alimentation électrique autonome est également une excellente alternative dans bien des cas de figure, notamment pour les zones non couvertes », précise Rémi Cheneau. A ce jour, le débat n’est donc pas définitivement tranché et à défaut de réglementation plus précise, c’est bien avec les opérateurs que les ERP devront travailler pour identifier les solutions les mieux adaptées à la nature de l’ERP mais aussi à sa situation géographique.
Les solutions réseau offrent des perspectives intéressantes car elles assurent la continuité du service et offrent un niveau de résilience élevé.
Des pistes à explorer
Notre interlocuteur du secteur bancaire précise « Nous avons immédiatement pensé à nous orienter vers des solutions GSM, indique notre témoin, mais nous sommes confrontés à des problématiques de couverture, et ce pas uniquement dans des régions reculées ! Même en région parisienne, il arrive que certains sites aient une couverture GSM insuffisante ». Pour cet observateur attentif du marché des télécommunications, les solutions réseau offrent des perspectives intéressantes car elles assurent la continuité du service et offrent un niveau de résilience élevé. Travaillant avec les opérateurs pour identifier les meilleures alternatives et satisfaire à ses obligations légales, les ERP n’ont plus que quelques mois pour trouver des solutions pérennes à un enjeu tout autant technique que sécuritaire !